L’Articulation entre Audit Énergétique et Diagnostic Technique Global : Enjeux et Perspectives pour la Rénovation Immobilière

La rénovation énergétique des bâtiments constitue un axe fondamental de la politique environnementale française. Dans ce contexte, deux outils complémentaires mais distincts ont émergé : l’audit énergétique et le diagnostic technique global (DTG). Le premier, rendu obligatoire pour certaines ventes immobilières depuis le 1er avril 2023, vise spécifiquement la performance énergétique. Le second adopte une approche plus holistique en examinant l’ensemble des composantes techniques d’un immeuble. Leur articulation soulève des questions juridiques et pratiques complexes, tant pour les copropriétés que pour les maisons individuelles. Cette analyse approfondie examine les cadres réglementaires respectifs, les points de convergence et de divergence, ainsi que les défis d’harmonisation qui se posent aux professionnels du secteur immobilier et aux propriétaires.

Cadre juridique et réglementaire : deux dispositifs aux finalités distinctes

L’audit énergétique et le diagnostic technique global s’inscrivent dans des cadres juridiques spécifiques qui reflètent leurs objectifs distincts mais complémentaires. Pour appréhender leur articulation, il convient d’abord de comprendre leurs fondements légaux respectifs.

L’audit énergétique : un outil de performance énergétique

L’audit énergétique trouve son origine dans la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, qui a renforcé les obligations en matière de performance énergétique des bâtiments. Codifié aux articles L. 126-28-1 et R. 126-18-1 du Code de la construction et de l’habitation, ce dispositif est devenu obligatoire depuis le 1er avril 2023 pour la vente de logements classés F ou G (les fameux « passoires thermiques« ).

Le décret n° 2022-780 du 4 mai 2022 précise le contenu de cet audit qui doit proposer :

  • Un état des lieux des caractéristiques thermiques du logement
  • Une estimation de la performance énergétique du bâtiment
  • Des propositions de travaux adaptés au logement
  • Une estimation des économies d’énergie potentielles
  • Une évaluation du coût des travaux proposés

L’arrêté du 4 mai 2022 définit quant à lui la méthodologie de réalisation de l’audit et les compétences requises pour les auditeurs. Ces derniers doivent posséder une certification spécifique délivrée par un organisme accrédité, garantissant leur expertise en matière de performance énergétique.

Le diagnostic technique global : une vision d’ensemble de l’immeuble

Le diagnostic technique global (DTG) a été institué par la loi ALUR du 24 mars 2014 et précisé par le décret n° 2016-1965 du 28 décembre 2016. Il est codifié aux articles L. 731-1 à L. 731-5 du Code de la construction et de l’habitation.

Contrairement à l’audit énergétique, le DTG n’est obligatoire que dans certaines situations spécifiques :

  • Pour les immeubles en copropriété de plus de 10 ans faisant l’objet d’une mise en copropriété
  • Pour les copropriétés souhaitant élaborer un plan pluriannuel de travaux

Le DTG comprend :

  • Une analyse de l’état apparent des parties communes et équipements
  • Un état de la situation du syndicat des copropriétaires au regard de ses obligations légales et réglementaires
  • Une analyse des améliorations possibles concernant la gestion technique et patrimoniale de l’immeuble
  • Un diagnostic de performance énergétique de l’immeuble ou un audit énergétique
  • Une évaluation sommaire du coût et une liste des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble

La différence fondamentale réside dans l’approche : tandis que l’audit énergétique se concentre exclusivement sur la performance énergétique d’un logement individuel, le DTG adopte une vision globale de l’ensemble de l’immeuble, couvrant tous les aspects techniques, dont l’énergétique n’est qu’une composante.

Cette distinction de périmètre et de finalité explique pourquoi ces deux dispositifs coexistent dans le paysage réglementaire français, tout en soulevant des questions sur leur articulation pratique pour les propriétaires et les professionnels.

Convergences et divergences techniques : analyse comparative détaillée

L’audit énergétique et le diagnostic technique global présentent des similitudes méthodologiques mais diffèrent fondamentalement dans leur portée et leurs objectifs. Cette section analyse en profondeur leurs points de convergence et de divergence sur le plan technique.

Méthodologies d’investigation : des approches complémentaires

Les deux dispositifs reposent sur une méthodologie d’investigation qui combine analyse documentaire et visite sur site. Toutefois, les focus diffèrent substantiellement.

L’audit énergétique suit une méthodologie strictement encadrée par l’arrêté du 4 mai 2022. L’auditeur doit procéder à :

  • Une analyse détaillée des factures énergétiques sur les trois dernières années (lorsqu’elles sont disponibles)
  • Une inspection minutieuse de l’enveloppe du bâtiment (murs, toiture, planchers, menuiseries)
  • Un examen des systèmes de chauffage, ventilation et production d’eau chaude sanitaire
  • Des mesures de perméabilité à l’air (facultatives mais recommandées)
  • Une modélisation thermique du logement via des logiciels spécialisés

À l’inverse, le DTG adopte une approche plus large mais potentiellement moins approfondie sur chaque aspect technique. Il comprend :

  • Une inspection visuelle des parties communes (façades, toiture, réseaux, fondations)
  • Un examen des équipements collectifs (ascenseurs, chaufferie, systèmes de sécurité)
  • Une vérification de la conformité réglementaire (sécurité incendie, accessibilité, etc.)
  • Une analyse sommaire des consommations énergétiques de l’immeuble
  • Une évaluation de l’état général du bâti et des équipements

La différence fondamentale tient à la profondeur d’analyse : l’audit énergétique creuse profondément un seul aspect (la performance énergétique) tandis que le DTG balaye plus largement l’ensemble des caractéristiques techniques d’un immeuble.

Préconisations de travaux : du spécifique au global

Les recommandations issues de ces deux diagnostics diffèrent également dans leur nature et leur présentation.

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L’audit énergétique doit obligatoirement proposer :

1. Un parcours de travaux en plusieurs étapes respectant une progression logique :

  • Une première étape permettant d’atteindre au minimum la classe E
  • Une étape intermédiaire permettant d’atteindre la classe C
  • Une dernière étape permettant d’atteindre la classe A ou B

2. Un second scénario présentant des travaux réalisés en une seule fois pour atteindre la classe B ou A

Pour chaque scénario, l’audit doit détailler :

  • Le coût estimatif de chaque poste de travaux
  • Les économies d’énergie attendues en pourcentage et en euros
  • L’impact sur l’étiquette énergétique
  • Les aides financières mobilisables (MaPrimeRénov’, CEE, etc.)

Le DTG, quant à lui, débouche sur des préconisations plus diversifiées :

  • Une hiérarchisation des travaux selon leur urgence (court, moyen et long terme)
  • Des recommandations portant sur l’ensemble des aspects techniques (structure, étanchéité, réseaux, etc.)
  • Une estimation financière globale par poste de travaux
  • Des suggestions de planification pluriannuelle

Cette différence d’approche dans les préconisations reflète la philosophie distincte de ces deux outils : l’audit énergétique vise spécifiquement l’amélioration de la performance énergétique selon une trajectoire normée, tandis que le DTG propose une vision patrimoniale globale intégrant tous les aspects de maintenance et d’amélioration du bâti.

Ces divergences méthodologiques soulèvent naturellement la question de la complémentarité et de l’articulation entre ces deux dispositifs, particulièrement dans le cas des copropriétés où les deux peuvent être requis simultanément.

Les enjeux spécifiques pour les copropriétés : articulation pratique et juridique

Les copropriétés représentent un cas particulièrement complexe en matière d’articulation entre audit énergétique et diagnostic technique global (DTG). Cette complexité découle de la superposition des régimes juridiques applicables aux parties communes et aux parties privatives, ainsi que de la gouvernance collective propre à ces ensembles immobiliers.

La question du périmètre d’intervention : parties communes versus parties privatives

La première difficulté d’articulation concerne le périmètre d’intervention de chaque dispositif. Le DTG porte principalement sur les parties communes de l’immeuble, conformément à sa vocation de diagnostic global de la copropriété. À l’inverse, l’audit énergétique obligatoire pour la vente concerne un lot de copropriété spécifique, donc principalement des parties privatives.

Cette dichotomie crée une situation paradoxale : l’amélioration de la performance énergétique d’un appartement dépend souvent d’interventions sur les parties communes (isolation des façades, rénovation de la toiture, modernisation du système de chauffage collectif), qui relèvent de la décision collective de la copropriété et non du seul propriétaire du lot.

La jurisprudence de la Cour de cassation a d’ailleurs confirmé à plusieurs reprises cette interdépendance. Dans un arrêt du 8 juillet 2020 (Cass. 3e civ., n° 19-16.937), les juges ont rappelé que les travaux affectant l’aspect extérieur de l’immeuble nécessitent une autorisation de l’assemblée générale, même s’ils sont financés par un copropriétaire pour son seul lot.

Cette situation crée un besoin d’articulation entre :

  • Les préconisations de l’audit énergétique individuel
  • Le plan pluriannuel de travaux issu du DTG validé par la copropriété

L’audit énergétique collectif : une passerelle entre les deux dispositifs

Face à cette problématique, la législation a prévu une solution intermédiaire : l’audit énergétique collectif. Introduit par le décret n° 2012-111 du 27 janvier 2012 et renforcé par la loi Climat et Résilience, cet audit concerne les copropriétés de plus de 50 lots équipées d’un système de chauffage ou de refroidissement collectif.

Cet audit énergétique collectif peut constituer le volet énergétique du DTG, comme le précise l’article L. 731-1 du Code de la construction et de l’habitation. Cette intégration permet une cohérence entre l’approche collective et individuelle de la rénovation énergétique.

Le plan pluriannuel de travaux (PPT), rendu obligatoire par la loi Climat et Résilience pour les copropriétés de plus de 15 ans, représente l’aboutissement de cette articulation. Ce document, qui doit être actualisé tous les dix ans, intègre :

  • La liste des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble
  • Les travaux d’amélioration de la performance énergétique
  • Une estimation du niveau de performance après travaux

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 12 février 2021, a d’ailleurs souligné l’importance de cette planification coordonnée des travaux en copropriété, en validant la responsabilité d’un syndicat de copropriétaires n’ayant pas mis en œuvre les recommandations d’un audit énergétique pourtant voté en assemblée générale.

Les défis de gouvernance et de financement

L’articulation entre ces dispositifs soulève des questions de gouvernance et de financement au sein des copropriétés. En effet, les décisions de travaux relèvent d’un processus collectif régi par la loi du 10 juillet 1965 et son décret d’application du 17 mars 1967.

Le syndic de copropriété joue un rôle pivot dans cette articulation. Il doit :

  • Présenter le DTG et ses conclusions en assemblée générale
  • Intégrer dans l’ordre du jour les décisions relatives au plan pluriannuel de travaux
  • Informer les copropriétaires des obligations individuelles liées à l’audit énergétique en cas de vente

Le conseil syndical, organe consultatif de la copropriété, peut faciliter cette articulation en assurant un suivi des recommandations issues des différents diagnostics et en préparant les décisions de l’assemblée générale.

Sur le plan financier, la création du fonds de travaux, rendu obligatoire par la loi ALUR et renforcé par la loi Climat et Résilience, constitue un outil essentiel. Son alimentation, fixée à 5% minimum du budget prévisionnel, peut être modulée en fonction des conclusions du DTG et des besoins identifiés dans le plan pluriannuel de travaux.

Ces mécanismes de gouvernance et de financement constituent le cadre opérationnel permettant d’articuler concrètement les préconisations issues de l’audit énergétique et du DTG dans le contexte spécifique des copropriétés.

Enjeux professionnels et déontologiques pour les diagnostiqueurs

L’articulation entre audit énergétique et diagnostic technique global (DTG) soulève des questions fondamentales pour les professionnels qui réalisent ces prestations. Ces enjeux touchent à leurs compétences, leur responsabilité et leur déontologie professionnelle.

Compétences requises et certifications professionnelles

Les exigences en termes de qualification diffèrent significativement entre les deux dispositifs, créant parfois une segmentation du marché professionnel.

Pour réaliser un audit énergétique, les professionnels doivent satisfaire à l’une des conditions suivantes, conformément à l’article R. 126-16 du Code de la construction et de l’habitation :

  • Détenir une certification délivrée par un organisme accrédité selon la norme NF EN ISO/CEI 17024
  • Être titulaire d’un diplôme sanctionnant une formation du niveau de l’enseignement post-secondaire d’une durée minimale de trois ans dans le domaine des techniques du bâtiment et justifier d’au moins trois ans d’expérience professionnelle
  • Posséder la qualification RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) « Audit énergétique »
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À l’inverse, le cadre réglementaire du DTG reste plus souple. L’article D. 731-1 du même code indique simplement que le DTG doit être réalisé par une personne « disposant de compétences dans les domaines de l’architecture, de l’ingénierie ou du bâtiment ». Cette formulation générale n’impose pas de certification spécifique, bien que des organismes comme la FNAIM ou l’APOGÉE aient développé des référentiels de certification volontaire.

Cette asymétrie réglementaire pose plusieurs défis :

  • La difficulté pour certains professionnels de proposer les deux prestations
  • Le risque de diagnostics partiels ou incomplets si le professionnel ne maîtrise pas l’ensemble des compétences requises
  • La nécessité de collaborations interprofessionnelles pour couvrir l’ensemble du spectre technique

Certains bureaux d’études techniques ont développé des équipes pluridisciplinaires intégrant architectes, thermiciens et ingénieurs structure pour répondre à cette problématique.

Responsabilité professionnelle et risques juridiques

La réalisation de ces diagnostics engage la responsabilité professionnelle des diagnostiqueurs, avec des implications juridiques significatives.

Pour l’audit énergétique, la responsabilité du professionnel peut être engagée sur plusieurs fondements :

  • Une erreur dans l’évaluation de la performance énergétique du logement
  • Des préconisations de travaux inadaptées ou irréalisables
  • Une estimation erronée des coûts ou des économies d’énergie

La jurisprudence a déjà sanctionné des manquements dans ce domaine. Dans un arrêt du 18 mai 2022, la Cour d’appel de Lyon a condamné un diagnostiqueur pour avoir sous-estimé de plus de 30% le coût des travaux préconisés dans un audit énergétique, qualifiant cette erreur de faute professionnelle.

Concernant le DTG, la responsabilité s’étend à l’ensemble des aspects techniques du bâtiment :

  • L’omission d’un désordre structurel visible lors de la visite
  • Le défaut d’alerte sur des non-conformités réglementaires
  • Des erreurs substantielles dans l’évaluation des coûts de travaux

Le Tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement du 5 mars 2020, a reconnu la responsabilité d’un bureau d’études n’ayant pas identifié des problèmes d’étanchéité manifestes lors d’un DTG, entraînant pour la copropriété des surcoûts significatifs lors des travaux entrepris ultérieurement.

Ces risques juridiques incitent les professionnels à :

  • Souscrire des assurances responsabilité civile professionnelle adaptées
  • Préciser clairement dans leurs contrats le périmètre exact de leur mission
  • Documenter rigoureusement leurs constats et préconisations

Enjeux déontologiques et conflits d’intérêts potentiels

L’articulation entre ces deux dispositifs soulève des questions déontologiques, particulièrement concernant l’indépendance des diagnostiqueurs.

La réglementation impose une stricte indépendance pour l’audit énergétique. L’article R. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation précise que « le diagnostiqueur ne peut avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance ni avec le propriétaire ou son mandataire qui fait appel à lui, ni avec une entreprise pouvant réaliser des travaux sur les ouvrages, installations ou équipements ».

Cette exigence d’indépendance vise à prévenir les recommandations de travaux biaisées qui pourraient servir les intérêts économiques du diagnostiqueur ou de sociétés partenaires.

Pour le DTG, bien que le cadre soit moins explicite, les principes généraux de déontologie professionnelle s’appliquent. Les organismes professionnels comme la CINOV ou le SYPEMI ont d’ailleurs élaboré des chartes déontologiques spécifiques.

Les situations suivantes peuvent créer des conflits d’intérêts :

  • Un diagnostiqueur réalisant un audit puis proposant ses services pour la maîtrise d’œuvre des travaux préconisés
  • Un bureau d’études lié à des entreprises de travaux orientant ses préconisations vers leurs spécialités
  • Un professionnel minimisant certains désordres pour ne pas effrayer son client

La pratique montre que l’articulation entre ces deux diagnostics peut amplifier ces risques déontologiques, particulièrement lorsqu’un même professionnel réalise les deux prestations pour un client.

Face à ces enjeux, des initiatives professionnelles émergent pour garantir l’éthique des pratiques, comme la création de labels qualité ou la mise en place de processus de contrôle par les pairs au sein des organisations professionnelles.

Vers une harmonisation des dispositifs : perspectives d’évolution réglementaire et technique

L’articulation parfois complexe entre audit énergétique et diagnostic technique global (DTG) suscite des réflexions sur une possible harmonisation future. Cette évolution paraît d’autant plus nécessaire que la transition énergétique des bâtiments s’accélère sous l’impulsion des objectifs nationaux et européens.

Les signaux d’une convergence réglementaire progressive

Plusieurs indices suggèrent une convergence progressive des cadres réglementaires régissant ces deux dispositifs.

La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a déjà amorcé ce rapprochement en renforçant la dimension énergétique du DTG. Son article 171 précise que le plan pluriannuel de travaux issu du DTG doit désormais inclure explicitement les travaux d’économie d’énergie permettant d’atteindre, à terme, une réduction des consommations d’énergie finale d’au moins 30% par rapport à 2010.

Cette disposition rapproche significativement le contenu du DTG des exigences de l’audit énergétique, qui prévoit lui aussi des scénarios de rénovation énergétique échelonnés.

Dans le même temps, le décret tertiaire (décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019) impose aux bâtiments tertiaires de plus de 1000 m² une réduction progressive de leur consommation énergétique (-40% d’ici 2030, -50% d’ici 2040, -60% d’ici 2050). Cette obligation crée un cadre réglementaire qui pousse à l’intégration des considérations énergétiques dans toute approche technique du bâtiment.

La directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB), en cours de révision, prévoit quant à elle de renforcer les exigences en matière d’audit et de planification des rénovations. Sa transposition en droit français pourrait accélérer la convergence des dispositifs nationaux.

Ces évolutions réglementaires laissent entrevoir un possible rapprochement méthodologique entre les deux outils, voire à terme une fusion partielle de leurs contenus.

Les innovations méthodologiques et technologiques facilitant l’articulation

Des innovations méthodologiques et technologiques facilitent déjà l’articulation entre audit énergétique et DTG, préfigurant potentiellement leur future convergence.

Le développement de la maquette numérique (BIM – Building Information Modeling) constitue une avancée majeure. Cette représentation digitale des caractéristiques physiques et fonctionnelles d’un bâtiment permet :

  • D’intégrer dans un même modèle les données structurelles et énergétiques
  • De simuler différents scénarios de travaux et leurs impacts multidimensionnels
  • De faciliter le partage d’informations entre les différents intervenants
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Plusieurs logiciels spécialisés intègrent désormais des modules permettant de réaliser simultanément les calculs thermiques réglementaires et l’analyse technique globale d’un bâtiment. Des plateformes comme Batiscope, Epsiline ou BatiDiag proposent des interfaces unifiées pour la réalisation des différents diagnostics immobiliers.

Les techniques d’intelligence artificielle commencent également à transformer le secteur. Des algorithmes d’analyse d’images peuvent désormais détecter automatiquement certains désordres techniques (fissures, infiltrations, ponts thermiques) à partir de photographies, facilitant et fiabilisant le travail des diagnostiqueurs.

Ces innovations technologiques estompent progressivement les frontières méthodologiques entre les différents types de diagnostics, préparant le terrain pour une approche plus intégrée.

Propositions pour une meilleure articulation des dispositifs

Face aux défis actuels, plusieurs pistes d’amélioration peuvent être envisagées pour optimiser l’articulation entre audit énergétique et DTG.

Sur le plan réglementaire, plusieurs évolutions seraient souhaitables :

  • Harmoniser les exigences de qualification professionnelle entre les deux dispositifs
  • Créer un référentiel méthodologique commun pour les aspects se recoupant
  • Développer un format standardisé d’échange de données entre les différents diagnostics

Sur le plan opérationnel, des améliorations pratiques pourraient inclure :

  • La création d’un carnet numérique du bâtiment regroupant l’ensemble des diagnostics et leur historique
  • L’élaboration d’un passeport rénovation unifié intégrant les préconisations issues des différents diagnostics
  • La mise en place de formations croisées pour les diagnostiqueurs spécialisés

Certains acteurs institutionnels comme l’ADEME ou le CSTB travaillent déjà sur ces pistes. L’expérimentation du carnet d’information du logement, prévue par la loi Climat et Résilience, constitue une première étape vers cette intégration des différents diagnostics dans un document unique.

Des initiatives locales montrent également la voie. La Métropole du Grand Paris, dans le cadre de son programme d’accompagnement à la rénovation énergétique, a développé un outil d’audit global intégrant les dimensions énergétiques et techniques dans une approche unifiée.

Ces évolutions préfigurent un paysage réglementaire et technique plus cohérent, où l’audit énergétique et le DTG s’articuleraient naturellement dans une démarche globale d’amélioration du parc immobilier français.

Perspectives pratiques : vers une approche intégrée de la rénovation

L’évolution des pratiques professionnelles et des attentes des propriétaires tend vers une approche de plus en plus intégrée de la rénovation, dépassant la simple juxtaposition de l’audit énergétique et du diagnostic technique global (DTG). Cette tendance reflète une prise de conscience croissante de l’interdépendance des différents aspects techniques d’un bâtiment.

Retours d’expérience : les enseignements du terrain

Les retours d’expérience des professionnels et des propriétaires ayant mis en œuvre ces deux dispositifs révèlent des enseignements précieux pour optimiser leur articulation.

Une étude menée par l’Association des Responsables de Copropriété (ARC) auprès de 120 copropriétés ayant réalisé un DTG entre 2018 et 2022 met en lumière plusieurs constats :

  • Dans 68% des cas, les copropriétés ayant réalisé un DTG ont ensuite engagé des travaux de rénovation énergétique
  • Les copropriétés ayant coordonné le DTG avec des audits énergétiques individuels ont obtenu une meilleure cohérence dans leur plan de travaux
  • La présence d’un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) a significativement amélioré l’articulation entre les différents diagnostics

Le programme RECIF+ (REnovation des Immeubles de Copropriété en France), porté par Île-de-France Énergies, a accompagné plus de 50 copropriétés dans une démarche intégrée. Leur rapport d’évaluation souligne que :

  • La réalisation simultanée ou coordonnée des différents diagnostics permet une réduction des coûts de 15 à 20%
  • L’approche intégrée facilite l’obtention des financements, notamment les aides de l’ANAH et MaPrimeRénov’ Copropriété
  • La planification globale des travaux améliore leur efficacité et réduit les interventions multiples

Ces retours d’expérience démontrent l’intérêt pratique d’une articulation optimisée entre les différents diagnostics, tant sur le plan financier que sur celui de l’efficacité des rénovations.

L’émergence de nouveaux métiers et services

Face à la complexité croissante des réglementations et à la nécessité d’une approche intégrée, de nouveaux métiers et services émergent pour faciliter l’articulation entre audit énergétique et DTG.

Le métier d’assistant à maîtrise d’ouvrage rénovation globale (AMO-RG) se développe rapidement. Ce professionnel, souvent issu du monde de l’ingénierie ou de l’architecture, accompagne les propriétaires tout au long de leur projet de rénovation :

  • Coordination des différents diagnostics et audits
  • Élaboration d’une stratégie de rénovation cohérente
  • Aide au montage des dossiers de financement
  • Suivi de la mise en œuvre des travaux

La Fédération CINOV a d’ailleurs créé en 2021 une qualification spécifique pour ces professionnels, garantissant leur compétence dans l’articulation des différents aspects techniques et réglementaires.

Des plateformes de services intégrés se développent également. Le réseau FAIRE (Faciliter, Accompagner et Informer pour la Rénovation Énergétique), devenu France Rénov’ en 2022, propose un guichet unique pour les propriétaires, intégrant conseils techniques, accompagnement administratif et orientation vers des professionnels qualifiés.

Les sociétés de tiers-financement, comme Île-de-France Énergies ou Oktave dans le Grand Est, proposent désormais des offres globales incluant diagnostics, ingénierie financière et coordination des travaux, simplifiant considérablement la démarche pour les propriétaires.

Ces nouveaux acteurs jouent un rôle croissant de facilitateurs, contribuant à fluidifier l’articulation entre les différents diagnostics et leur traduction opérationnelle en programmes de travaux cohérents.

Recommandations pratiques pour les propriétaires et gestionnaires

Sur la base des retours d’expérience et des évolutions observées, plusieurs recommandations pratiques peuvent être formulées pour optimiser l’articulation entre audit énergétique et DTG.

Pour les propriétaires de maisons individuelles :

  • Même si le DTG n’est pas obligatoire, envisager une approche technique globale avant d’engager des travaux de rénovation énergétique
  • Consulter un architecte ou un bureau d’études pour évaluer les interactions entre les différents postes de travaux
  • Prioriser les interventions traitant simultanément les aspects structurels et énergétiques (par exemple, l’isolation par l’extérieur qui améliore à la fois l’étanchéité et la performance thermique)
  • Conserver et centraliser l’ensemble des diagnostics et rapports techniques dans un dossier unique

Pour les copropriétés et leurs gestionnaires :

  • Planifier la réalisation du DTG et de l’audit énergétique collectif dans une démarche coordonnée
  • Mettre en place un comité de pilotage rénovation au sein du conseil syndical pour suivre l’articulation des différents diagnostics
  • Faire appel à un AMO spécialisé pour garantir la cohérence des différentes interventions
  • Communiquer régulièrement auprès des copropriétaires sur les liens entre les différents diagnostics et le plan pluriannuel de travaux
  • Anticiper les obligations réglementaires futures en intégrant dès maintenant une vision globale dans la stratégie patrimoniale

Pour les gestionnaires de parcs immobiliers :

  • Développer des outils de suivi intégrés permettant de centraliser les données issues des différents diagnostics
  • Former les équipes techniques à une approche multidimensionnelle de la rénovation
  • Établir des partenariats avec des bureaux d’études capables d’intervenir sur l’ensemble des aspects techniques
  • Élaborer des cahiers des charges types pour la commande de diagnostics coordonnés

Ces recommandations pratiques, adaptées aux différentes typologies de propriétaires, visent à optimiser l’articulation entre les dispositifs existants dans l’attente d’une éventuelle harmonisation réglementaire.

La tendance vers une approche intégrée de la rénovation, dépassant la simple juxtaposition de diagnostics spécialisés, s’affirme comme une évolution naturelle et nécessaire du secteur, répondant à la fois aux enjeux techniques, économiques et environnementaux de la transition du parc immobilier français.